Premier saumon adulte élevé avec des protéines à base d’insectes

Début février 2018, le producteur d’insectes Protix (NC Dongen, Pays-Bas) vient d’annoncer le tout premier saumon adulte élevé avec des protéines à base d’insectes.

Selon le PDG de Protix, Kees Aarts, le « Friendly Salmon » est exemplaire. En effet, il s’inscrit dans un système alimentaire durable et est présenté aujourd’hui comme un véritable exemple. Les poissons sont nourris à l’aide d’ingrédients naturels, sans pression sur les ressources marines. C’est tout bénéfice pour la planète et pour nous-mêmes. Sa société fondée en 2009 est partie de l’idée que les insectes jouent un rôle central dans la nature. Ils utilisent des déchets organiques de qualité inférieure et les recyclent rapidement en protéines, lipides et oligo-éléments de haute qualité.

 

Friendly Salmon

Pour son projet « Friendly Salmon« , Protix a travaillé avec des partenaires du secteur en Norvège, comme l’Institut de recherche marine (IMR) et l’Université norvégienne des sciences de la vie (NMBU). La collaboration appelée Aquafly avait pour but de développer un aliment unique et durable pour le saumon dérivé de l’ingrédient ProteinX ™ de Protix. La farine de poisson fabriquée à partir de poisson sauvage a été complètement remplacée par des farines d’insectes tout au long des différentes phases de croissance des poissons.  Et pour une espèce de poisson exigeante comme le saumon atlantique, ce n’était pas gagné d’avance!

 

 

Saumon élevé aux insectes

Saumon élevé aux insectes

 

Ce n’est pas la seule initiative

D’autres sociétés sont actives dans le secteur dont InnovaFeed, une société biotech française basée à Evry. Elle produit des protéines à base d’insectes pour l’industrie de l’alimentation animale et vient de recevoir 15 millions d’euros d’investisseurs. Cette société avait déjà récolté en 2016 de quoi financer leur première usine de Cambrai dans le nord de la France. Cette usine est opérationnelle depuis octobre 2017 et a une capacité de 1.000 tonnes par an. Grâce au nouvel investissement de février 2018, ils vont pouvoir construire un deuxième site industriel. Celui-ci aura une capacité de 10.000 tonnes par an.

Les sous-produits qu’InnovaFeed utilise comme substrats sont entièrement à base de céréales. Ils pourraient aussi être des coproduits de la betterave à sucre ou des industries de transformation de l’amidon. InnovaFeed, qui a été créée en 2015, produit et commercialise des farines et des huiles extraites de la larve de Black Soldier, la larve d’Hermetia Illucens, ainsi que des engrais à base de déjections d’insectes.

D’autres sociétés en Chine, au Canada ou encore en Afrique-du-Sud sont actives dans ce secteur depuis longtemps. L’Europe a mis du temps à instaurer une réglementation sans doute parce que nous avons un rapport aux insectes plus compliqué qu’ailleurs.

 

Collaboration avec les distributeurs

En octobre 2017, InnovaFeed avait annoncé une collaboration avec la chaîne française de supermarchés Auchan. Les éleveurs de truites vendues dans les magasins Auchan utilisent dorénavant des protéines d’insectes d’InnovaFeed dans leur production. L’objectif pour 2018 est que toutes les truites de la marque Auchan soient nourries aux insectes. L’année suivante, la même transition sera réalisée avec le saumon.

Selon eux, les dirigeants d’InnovaFeed ne cherchent pas à remplacer la farine de poisson mais bien à la compléter. Ils sont partis du constat que les stocks de poissons  sauvages sont limités et qu’ils ne seront pas suffisants pour faire face au secteur de l’ aquaculture en pleine croissance. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’InnovaFeed cherche à remplacer la farine de poisson. Le point de vue de l’industrie des insectes est qu’en produisant des farines d’insectes, ils ajoutent de nouveaux ingrédients protéiques mais sans chercher à supplanter les sources existantes. Il ne s’agit donc pas de défendre une source de protéines et de dénigrer les autres. En fait, la société voit l’émergence de l’industrie des insectes comme une conséquence directe de l’effort de l’industrie de l’aquaculture pour identifier les sources durables de protéines face à une demande croissante des consommateurs et des ressources naturelles limitées.

 

Intérêt environnemental

On assiste à un grand intérêt pour cette activité en Europe suite à l’autorisation par l’Union européenne le 1er juillet 2017 de nourrir les poissons destinés à la consommation humaine avec des protéines issues de larves d’insectes.  L’aquaculture est souvent présentée comme une solution pour stopper l’hémorragie de la surpêche, mais en réalité, les poissons d’élevage sont en grande majorité des poissons carnassiers. Dans son rapport de 2016 intitulé « La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture« , la FAO (l’organisation mondiale des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) indique que l’aquaculture utilise massivement des farines de poissons comme alimentation de base pour ses élevages. Certains spécialistes avancent qu’il faut pêcher 4 kgs de poisson en mer pour produire 1 kg de poisson d’élevage. Ces farines sont faites à partir de petits poissons sauvages tout en bas de la chaîne alimentaire: sardines, anchois, sprats, maquereaux, … Ces derniers ont non seulement un rôle important dans les écosystèmes marins mais sont aussi consommés par les humains! Les utiliser dans la production de farine pour nourrir d’autres poissons met aussi sous pression cette industrie.

20 % de la pêche mondiale servirait à l’alimentation animale. Voici la répartition de l’utilisation de ces farines de poisson:

  • 57% pour l’aquaculture,
  • 22% pour l’élevage de porcs,
  • 14% pour le secteur avicole (volailles).

Saumon élevé aux insectes

Saumon élevé aux insectes

 

Le marché est porteur

Nous en avions déjà parlé dans un autre article, mais le marché de la production d’insectes est en pleine croissance. Selon la FAO, en 2014, la pêche a représenté 93,4 millions de tonnes. L’aquaculture a permis de produire 73,8 millions de tonnes. L’aquaculture est ainsi passée d’une contribution inférieure à 10 % de la quantité de produits aquatiques destinés à la consommation humaine dans les années 1970 à plus de 50 % aujourd’hui et elle se développe très rapidement. L’aquaculture pèse 90 milliards d’euros notamment avec le saumon et la crevette qui sont des produits à très forte valeur ajoutée. Ce sont des animaux qui demandent des protéines animales très nutritives. Les besoins en aliments pour nourrir les élevages de poissons deviennent gigantesques: environ 60 millions de tonnes par an aujourd’hui et 100 millions de tonnes en 2030. C’est dans ce contexte que les farines protéinées à partir de larves d’insectes ont tout à fait leur sens.

Et finalement, n’est-ce pas un juste retour aux sources? En effet, la truite, le saumon et la plupart des poissons se nourrissent naturellement en grande partie d’insectes dans leur habitat naturel.

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